L'hiver froid et rigoureux avait étendu son voile blanc sur le monde, figeant les paysages en une pose immaculée glacée.
Bref, les Rats se les gelaient sévèrement.
Naturellement, en ces temps troublés de froidure intense, la meute avait tendance à se réunir, prenant au mot le proverbe disant qu'à plusieurs on se tenait plus chaud. Bien sûr, quel autre lieu que la taverne pouvait recevoir de tels enragés ? L'eau-de-feu coulait à flot et réchauffait les gosiers des rongeurs frileux.
Helkar était de mauvais poil. Tout partait à vau-l'eau dans les alliances Rats. Les voraces étaient à deux doigts d'imploser, d'ailleurs Vim et Eyepop passaient leur temps à s'enivrer près de l'imposante cheminée et servaient de paillasson aux heures les plus avancées de la nuit. Ou du matin. Pour le tyran, il ne faisait aucun doute que tout était de la faute de Doudli. D'ailleurs on ne l'avait pas vu depuis plusieurs lunes et c'est bien connu, les absents ont toujours tort.
En fait, l'intendant était préoccupé par deux choses, la première étant un petit trafic étrange auquel se livrait ce crétin de troubadour auprès des autres Rats, il avait eu beau les interroger, aucun n'avait pu dire, ou voulu, de quoi il retournait. La seconde était la disparition de plusieurs flacons d'ambroisie de sa réserve secrète. De là à faire le rapprochement entre les deux faits, il n'y avait qu'un pas que le vampire avait franchi sans vergogne, le troubadour étant un coupable idéal. Après tout, ces artistes débauchés étaient capables de tout pour assouvir leurs pulsions primaires. Helkar se rendit donc au seul endroit où il était certain de retrouver les seigneurs Rats pendant que leurs domaines s'étiolaient peu à peu. La taverne.
Il ne s'était pas trompé, bien sûr. Lorsqu'il entra, il fut assailli par une odeur rance, mélange de sueur, d'alcool, de fumée et d'urine. Heureusement, un vampire n'était pas obligé de respirer. Dans la taverne, l'ambiance était somme toute assez habituelle. Des chaises volaient, des gens riaient, d'autres criaient. Beaucoup gisaient sur le sol également, parfois dans une mare de sang. Les Rats occuppaient toujours le même coin dans la taverne, légèrement à l'écart des bouseux qui n'avaient guère autre chose à faire en attendant de servir de chair à canon.
Du côté des Rats, c'était le chaos le plus absolu. Hugh et Sylap braillaient à tue-tête des chansons inintelligibles. Hiruka avait décidé de se tirer en douce par une fenêtre qu'il avait oublié d'ouvrir. LolEnt2 et Pistolebart étaient en train de finir un paysan à coup de pieds. airo et Madmatrix jouaient à celui qui finirait son tonneau le premier. Pretgnus, Ynaelle et Toric s'amusaient à jeter des cailloux sur Gouik, le pauvre tavernier. troitroi et Zeus provoquaient une horde de gremlins en duel. Et Nicolaii était debout sur une table, pantalon sur les chevilles à montrer son arrière-train à une tablée de succubes pour les défier. mat_nice s'était éffondré sur sa table et LukeSky tentait vainement de ramener un peu de calme. Helkar soupira.
- Même les nouveaux, ils mes les ont perverti. C'est vraiment une bande de grands malades !
Il fallut une dizaine de minutes à Helkar afin de pouvoir extraire Sylap de sa chope et de l'isoler un peu afin de lui tirer les vers du nez.
- Maintenant, je veux savoir à quel petit trafic tu t'adonnes ici.
- Je vois pas de quoi tu parles, répliqua Sylap, les yeux vitreux.
- J'ai été voir derrière le comptoir et j'ai vu plein de paquets mystérieux. Je sais que c'est toi qui les refourgue.
- Je fais du commerce je t'ai dit.
- Alors je veux t'en acheter un.
- T'as besoin de quoi ?
- Du mieux que tu aies.
Sylap hésita.
- Nan, t'en n'as pas besoin, éluda-t-il.
- J’insiste, insista Helkar.
- OK.
Sylap s'en fut donc chercher un petit paquet derrière le comptoir et le rapporta.
- Ça te coutera 3500 pièces d'or.
- Quoi ???
- 3500.
Helkar tendit une bourse au barde qui s'en saisit prestement puis il tendit le paquet à Helkar qui le défit vivement. Le tyran fut déçu. A l'intérieur se trouvait une sorte de boule de cristal.
- C'est quoi ce truc ?
- Un orbe d'hiver.
- Ca sert à quoi ?
- A améliorer tes sorts mais heu... comme tu lances jamais les bons.
- C'est donc ça ? Tu fais un traffic d'artéfacts ?
- Ouais.
- Et mon ambroisie ?
- Tu as de l'ambroisie et je ne l'ai jamais su ? Je perds la main.
- Tu ne m'en as donc pas ... emprunté.
- Non, et c'est bien dommage car bien préparé, ça déchire pendant un bon moment ce truc.
A ce moment là, Yvesol et Landrisba entrèrent.
- Tiens le reste des voraces, lança Hugh.
Les deux compères se plantèrent devant Helkar, l'air mal à l'aise.
- On a un problème avec Scribsi.
- Encore ? railla Helkar.
- Heu cette fois il a complètement fondu le neurone, remarqua Yvesol.
- Il est parti assiéger ta cité, expliqua Landrisba à Helkar.
- Quoi ?!
- Ah et Sylap, il a foutu le feu à tes écuries, il y a peu de survivants.
- Oh le con !
- Mais qu'est-ce qui lui prend ? demanda Hugh.
- On sait pas. Soudainement, il est devenu fou, il s'est mis à hurler tout le temps.
- Bah ça change pas trop ça, nota Sylap.
- Ouais mais là il a quitté l'alliance et a décidé de tous vous détruire.
- Ah quand même. Il est bien attaqué alors là oui.
- Lorsqu'il a pris le chemin de ta cité Helkar, il criait "j'en veux plus, j'en veux plus"...
- Merde, dit Sylap, un accroc à l'ambroisie. C'est irrécupérable.
Hugh regarda Helkar d'un air sombre.
- T'en rates pas une hein toi.
Sujet: Quand on a froid, on n'a pas chaud 
Lun 16 Jan 2012, 11:14
